Présentation Association SOS Hernies: Contexte et Justification
DÉFINITION:
Traditionnellement, une hernie est la protusion d’un organe à travers un point de faiblesse naturel de l’organisme. On distingue :
Les hernies congénitales retrouvées chez le nouveau-né qui constituent en fait une malformation.
Les hernies acquises représentées par la panoplie des hernies d’effort que l’être humain a développées au cours de la vie.
Nous nous concentrerons sur ce deuxième cas qui constitue l’objet de notre préoccupation. L’augmentation de la pression intra-abdominale suite aux différents efforts physiques amène les organes intra-abdominaux à forcer le passage au sein d’une faiblesse naturelle.
LES CAUSES DES HERNIES D’EFFORT
Comme le nom l’indique, ce sont les hernies survenues au décours d’un effort physique assidu et permanent, de durée variant d’un individu à un autre et d’une activité physique à une autre.
Pour ce qui des populations de l’Est-Cameroun, les efforts physiques sont concentrés sur les travaux champêtres car l’agriculture constitue leur seule source de revenus soit pour la subsistance, soit pour la culture de rente. Toutefois, la culture de subsistance est plus pratiquée, rythmée par les quatre saisons de la zone équatoriale.
Les différentes causes des hernies d’effort peuvent se résumer ainsi qu’il suit :
− Les travaux de défrichage de la brousse à la main
− Les travaux de dessouchage des racines d’herbes
− Les travaux d’abattage à la main des arbres de différents calibres à la recherche d’un sol arable
− Les travaux de sectionnement des arbres et du bois de chauffage
− Les travaux de transport du bois de chauffage vers les campements et les maisons d’habitation
− Les travaux de transports de vivres sur la tête ou les épaules vers les maisons et les points de vente, etc.
Tous ces travaux utilisent la force motrice humaine. Le cycle de préparation du champ (Préparation du sol – Mise en place des semis – Entretien de la plantation – Récolte) est permanent. Le paysan de l’Est-Cameroun est fatalement contraint d’entrer dans ce cycle durant toute son existence sur terre, sans distinction d’âge ni de sexe.
Le paysan a une vie rythmée par des travaux de brousse. Il vaque à ses occupations six jours par semaine et du matin au soir et il est absent au village durant toute la journée, ce qui traduit son assiduité à la dépense de l’énergie physique, donc à s’exposer au développement des hernies d’effort.
LES DIFFÉRENTES HERNIES D’EFFORTS
On distingue :
− Les hernies inguinales qui sont les plus fréquentes.
− Les hernies inguino-scrotales qu’on retrouve dans le sexe masculin.
− Les hernies crurales plus fréquentes chez la femme.
− Les hernies de l’Angle de Jean-Louis Petit.
− Les hernies ombilicales.
− Les hernies de la ligne blanche.
PHYSIO-PATHOLOGIE
Comme nous l’avons expliqué plus haut, au décours d’un effort physique, les organes intra-abdominaux (Anses++, Vessie) se retrouvent dans un environnement de forte pression qui les amène à migrer en forçant le passage vers les zones de faiblesses naturelles (canal inguinal, ligne blanche, ombilic, Angle de Jean-Louis Petit, arcade crurale).
Cette migration se caractérise par le développement d’une tuméfaction qui prend du volume au fur et à mesure que les efforts physiques se répètent du fait des travaux.
La tuméfaction a certaines caractéristiques :
− Elle peut apparaitre de manière soudaine lors d’un effort surnaturel et s’étrangler. Il s’agit là d’une hernie née de novo et qui se manifeste par un étranglement car elle est devenue irréductible (Urgence chirurgicale++).
− Elle peut naitre et augmenter progressivement de volume, devenant réductible et manipulable aisément par l’individu affecté. Il passera donc son temps à faire rentrer les anses dans son abdomen selon les circonstances (bain, sommeil, acte sexuel, etc.).
− Elle peut naitre et prendre du volume au cours des années, avec des épisodes de douleur maitrisés par le porteur à travers la prise des stupéfiants naturels.
− Chez l’homme elle peut naitre et migrer vers le scrotum, prenant rapidement de volume au cours des années ; le scrotum prend alors l’aspect d’une calebasse que le porteur va péniblement trainer, le port des vêtements devenant compromis. A ce moment, l’acte sexuel devient impraticable.
− Elle peut être multiple c’est-à-dire qu’on peut retrouver deux ou trois hernies de sites différents sur le même individu.
· La hernie étranglée
La hernie étranglée peut s’exprimer à la naissance brutale d’une hernie ou alors sur une ancienne hernie qui, subitement a décidé d’être irréductible au décours d’un effort physique intense qui a provoqué une migration plus forte des viscères qui ne peuvent plus faire demi-tour.
Dans la hernie étranglée, le viscère pris au piège est comprimé par les muscles et commence alors le processus d’ischémie. La partie étranglée prendra d’abord une couleur rougeâtre, ensuite noirâtre et enfin blanchâtre. C’est la phase terminale qui signe la putréfaction avant la perforation. Dès que le viscère est perforé au niveau du collet d’étranglement, son contenu sceptique va se déverser dans le péritoine, créant donc une péritonite généralisée, rapidement mortelle.
En passant, les signes d’occlusion intestinale vont s’installer, tout ceci dans un fond de douleur (vomissements alimentaires, puis bilieux, puis fécaloïdes avec arrêt des matières et de gaz).
COMPLICATIONS
Les complications des hernies sont pluridisciplinaires :
− L’étranglement herniaire est la plus dangereuse. Elle s’effectue de manière inopinée. Elle se manifeste par l’apparition d’une tuméfaction douloureuse, irréductible ; plus tard vont apparaitre les signes d’occlusion intestinale (vomissements, douleurs, arrêt des matières et des gaz), ensuite de nécrose de l’anse étranglée et enfin, de perforation. Le patient va décéder entre le 3è et 4è jour dans un tableau de péritonite généralisée.
− Les autres complications seront discutées dans le chapitre des conséquences sociales.
TRAITEMENT
Le traitement des hernies d’effort est uniquement chirurgical. Il consiste à faire une herniorraphie après refoulement de l’anse. Pour les populations de l’Est-Cameroun il est préférable de faire une herniorraphie avec un fil non résorbable afin d’éviter les récidives qui sont souvent fréquentes, car le mois suivant l’intervention chirurgicale, le convalescent prend sa machette pour se rendre dans ses champs.
Les populations pygmées, très habiles en matière de plantes médicinales, n’ont jamais trouvé le médicament de la hernie d’effort. La plupart décèdent des complications post-opératoires suites aux consultations tardives, au stade de nécrose de l’anse exigeant une résection-anastomose, donc un post-op plus sérieux, et dans un contexte de manque de moyens pour la prise en charge (Réanimation - Sois intensifs – Apport hydro-électrolytique suffisant – Antibiothérapie le tout sur une dizaine de jours.)
Toutefois, malgré les efforts mis en place par les pouvoirs publics pour installer un bloc opératoire fonctionnel dans la centaine de kilomètres, la grande majorité des populations ou alors la presque totalité préfèrent attendre la phase de l’étranglement herniaire pour consulter. Ils se sont déjà accoutumés à leurs hernies qu’ils portent pendant dix à vingt années, sans en mesurer les conséquences au niveau de la productivité.
PREVALENCE
Elle est forte dans les zones rurales de la région de l’Est-Cameroun, car ces populations ne vivent que grâce aux travaux champêtres et n’utilisent que la force motrice humaine.
L’âge des sujets atteints varie de 10 à 80 ans voire plus. Les deux sexes sont touchés. La prévalence varie entre 10% et 40% de la population âgée de 10 à 80 ans, tous sexes confondus. 10% de hernies se manifestent par un étranglement qui survient toujours au cours des travaux champêtres. Dans ce cas, plusieurs paramètres rentrent en jeu pour sauver une vie humaine :
− Le transport de la victime de la plantation au village
− Le transport de la victime de son domicile à la formation sanitaire disposant d’un bloc opératoire fonctionnel
− La recherche des fonds pour supporter les coûts de transports et de prise en charge
− La présence ou non du médecin
− La disponibilité de l’énergie électrique.
Notons qu’au cours de son existence, un individu peut subir trois ou quatre herniorraphies soit par développement en série des hernies, à des sites différents, soit par récidive d’une ou deux hernies, soit la combinaison des deux circonstances.
CONSEQUENCES
CONSEQUENCES SOCIALES
+ Sur l’homme
Traditionnellement, l’homme, le maitre de la maison, est celui qui fait les travaux le plus durs. C’est lui qui prépare le terrain qui servira à la mise en terre des semis. Il est donc très exposé aux risques de développer une hernie d’effort.
L’homme, lorsqu’il est atteint, a une diminution de ses capacités physiques, donc une diminution du rendement et fatalement une diminution de revenus de la famille. Or la diminution des revenus entraine donne lieu à une famille vulnérable où s’installe la pauvreté qui vient alourdir cet état préexistant.
Une volumineuse hernie inguino-scrotale empêche l’homme de se mouvoir. Il ne parvient plus d’aller dans ses plantations, il cesse d’être productif et, à la longue, il devient une charge pour son entourage qui le traite désormais de sorcier détenant des objets maléfiques dans son scrotum. N’arrivant plus à assumer ses devoirs conjugaux, sa femme divorce. Que d’instabilités dans les foyers !
Au décès de l’homme, la femme porte la lourde charge de s’occuper des enfants, d’assumer le double rôle d’encadreur de la famille, sous réserve qu’elle-même développe à son tour une hernie d’effort.
+ Sur la femme
Elle est le pilier de la famille. Tous travaux concernant le garde-manger lui incombent. La femme victime d’une hernie est physiquement et moralement diminuée ; elle n’arrive plus nourrir la maisonnée à cause des douleurs qui la mettent au lit constamment.
La femme qui a une hernie d’effort a peur de concevoir car elle ne connait pas les conséquences d’une grossesse sur une hernie. Les prétendants la refoulent car ils doivent d’abord débourser de l’argent pour sa santé. Elle se sent le plus souvent obligée de prendre des stupéfiants naturels comme le tabac pour diminuer les transes de douleurs qui la terrassent en fin de journée afin de reprendre la piste de la plantation le lendemain.
Lorsqu’elle décède, la maison s’écroule plus rien ne remplace le rôle du pilier. Le désarroi et la débandade s’emparent de la maison. La misère double d’ampleur. Les enfants, abandonnés à eux-mêmes, se dispersent. Le père finit par succomber par ce vide à défaut de chercher une nouvelle compagne, ce qui est le début d’un éternel recommencement.
+ Sur les enfants
Lorsque l’un des parents ou alors les deux sont atteints par la hernie, les enfants voient leurs revenus diminuer, leur encadrement diminuer, leur matériels diminuer, leurs efforts physiques augmenter car ils sont devenus obligés d’effectuer les travaux les plus difficiles et pénibles pour leur jeune âge. Ils sont en effet obligés de travailler doublement . Et ceci les expose aux risques de développer précocement des hernies d’efforts. Dans cette situation, leur moral est attaqué. Lorsque les hernies attaquent toute la maisonnée, on parle de contamination et d’épidémie de hernie dans la famille, ce qui est l’objet d’une honte car le gonflement des parties génitales étant un facteur de gène qui affecte le moral.
Dans le cas où il y a eu divorce, les enfants ont des problèmes d’encadrement et d’affection parentale.
Et si par ailleurs, il y avait décès des parents ou du moins, de l’un d’eux, les enfants seraient alors diminués moralement et leur avenir resterait compromis.
2. CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
Dans notre pays, les vivres retrouvés dans les marchés des villes proviennent des milieux ruraux, villages et campagnes.
Un ménage atteint de hernie d’effort ne pourra plus produire suffisamment de vivres à cause de sa diminution d’énergie. Conséquence, le flux des capitaux diminue à cause de la baisse de la productivité villageoise. Les dépenses liées à la scolarisation de la jeunesse, à la santé familiale, à l’entretien de la maison et à la satisfaction des besoins élémentaires de l’individu baissent avec pour résultat, altération du bien-être des populations.
3. COUT DE LA PRISE EN CHARGE
Selon la nomenclature des actes médicaux Cameroun, la valeur de l’acte chirurgical en vigueur est de 11 000 FCFA pour une hernie.
Toutefois, les autres dépenses satellites (consultation - médicament – anesthésie – médicaments anesthésiques – frais anesthésiques – hospitalisation) sous réserve de la prise en charge en postopératoire jusqu’à la sortie du malade, font souvent remonter la prise en charge globale à une fourchette qui varie entre 80 000 et 110 000 FCFA selon les formations sanitaires.
Au vu des travaux pénibles que les populations rurales subissent tous les jours, il ne serait pas évident de rassembler cette somme pour une prise en charge en cas de hernies, pire encore si elle est étranglée.
MATÉRIEL (REQUIS)DE PRISE EN CHARGE
Pour une prise en charge des hernies d’effort dans la région de l’Est-Cameroun, il faut comme matériel :
− Une formation sanitaire comportant comme infrastructure :
· Un service d’accueil et d’urgence équipé
· 02 bureaux de consultation-Médecin équipés
· 03 bureaux pour infirmiers équipés
· Un bloc opératoire complet selon les normes équipé avec les champs et les blouses
· Une salle de réanimation équipée
· 04 salles d’hospitalisation commune équipées
· 04 chambres d’hospitalisation individuelle équipées
· Une04 chambres d’hospitalisation individuelle équipées salle de stérilisation complète selon les normes, équipée
· Un incinérateur
· Une pharmacie
· Un forage
· Un château d’eau
· Un groupe électrogène de 12.5 kVa ou plaques solaires
· 20 boites à hernies
· Une boite de laparotomie (en cas de résection de l’anse)
· 30 boites de pansement
· 20 plateaux
· 20 haricots en inox
· Un personnel constitué de :
− 04 médecins généralistes aptes en acte de chirurgie
− 01 anesthésiste-réanimateur
− 03 infirmiers diplômés d’Etats
− 08 aides-soignants
· Un matériel roulant
− 02 véhicules 4X4
ORGANISATION DU SERVICE
Afin de maximiser la prise en charge des cas de hernies d’effort dans la région de l’Est-Cameroun, les travaux se feront sous deux angles :
Construction et équipement d’un hôpital spécial pour prise en charge des hernies d’effort dans la capitale de la région, à Bertoua. A ce niveau seront pris en charge tous les cas qui viendront de tous les départements de la région, à un rayon de 100 km.
Organisation des campagnes d’opérations de masse à travers une caravane mobile qui sillonnera toute la région à un rayon de plus de 200 km selon un calendrier préétabli. Les interventions chirurgicales se feront dans les formations sanitaires des différentes localités.
PRONOSTIC
La réduction chirurgicale demeure l’arme la plus efficace et incontournable pour la lutte contre les hernies d’effort.
Les cas de récidives sont minimes (soit 1% des cas) surtout lorsque la cure est faite avec un fil non résorbable. Tout malade opéré reprend normalement son travail, s’active à la productivité de sa maison, de sa localité et de son pays. Il serait donc une lourde faute pour nous, acteurs de la santé de laisser une bonne partie la population à leur propre sort pour si peu de sacrifices.
Ensemble, œuvrons pour la lutte contre les hernies d’effort dans la région de l’Est-Cameroun afin de lui permettre de participer à l’amélioration de la qualité de vie par une augmentation de la productivité agricole paysanne.
Ensemble, aidons le monde rural de l’Est-Cameroun à combattre ce fléau qui va de génération en génération et tend à la pérennisation.
Ensemble, participons à l´efficacité de notre association "SOS HERNIES" !
SOS Hernies, La Santé pour le Développement de l´EST-CAMEROUN
Le Président Fondateur
Dr. WASSEP TINDA